Les images centrales de ce projet en cours sont celles de « Spirit Houses » : un élément des anciennes croyances animistes que l’on retrouve partout en Asie du Sud-Est. Ces structures, semblables à de petits sanctuaires, sont censées abriter les esprits qui habitent la terre sur laquelle elles sont construites. Je les ai photographiées au fil de plusieurs voyages en Thaïlande, au Vietnam, au Laos et au Cambodge.

Elles sont omniprésentes —sur chaque parcelle, devant chaque maison ou commerce— car les esprits sont censés protéger l’espace sur lequel ils reposent. Cependant, elles ne peuvent jamais être détruites. Plutôt que d’être déplacées lors d’un déménagement, elles sont laissées à l’abandon, intactes, dans des bâtiments à vendre ou sur des chantiers, livrées à la nature.

Les photographies sont montées sur verre, avec des produits chimiques actifs piégés entre l’image et le support. Avec le temps, les couleurs et les formes évoluent progressivement, révélant des formes changeantes tout au long de l’exposition —jusqu’à ce que la chimie sèche, et qu’une nouvelle image naisse de cette décomposition. Ce processus prolongé rend les transformations de l’argent plus complexes, conférant à l’image une matérialité proche de la peinture.

Une fois la réaction chimique enclenchée, elle suit une trajectoire de dégradation exponentiellement rapide. En les observant chaque jour, en suivant leurs changements et leur évolution, je me suis retrouvée plus d’une fois tentée de rompre mon propre protocole pour tenter d’arrêter leur disparition.

Je me sens attirée par elles comme une croyante devant un sanctuaire, parlant d’elles comme en prière. Utiliser les Spirit Houses comme sujet de cette série renforce mes propres interrogations sur la spiritualité et la religion —me donnant l’impression que l’Image est mon véritable objet de dévotion.

Ne pas avoir un contrôle total sur leur dégradation, et devoir accorder une attention accrue à ces images instables, prolonge mon deuil face à notre rapport contemporain aux images —rapide, éphémère, vite oublié, et saturé.